Préambule

S'il est un domaine sujet à controverse, c'est bien celui de la diététique. Il n'y a qu'à voir fleurir les articles contradictoires dans les diverses revues et publications spécialisées.

N'a t-on pas mis 50 ans avant de découvrir que le fer contenu dans les épinards était en fait 10 fois inférieur aux valeurs préalablement établies: l'erreur provenant d'une faute de frappe d'une secrétaire. 50 années sans que personne ne fasse une contre expertise c'est beaucoup, et suffisant pour que Popeye fasse que les épinards soient et restent encore pour longtemps le symbole du produit à haute teneur en fer.(de plus, le peu de fer qu'ils contiennent est mal assimilé par l'organisme).Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Ce qui est étonnant, c'est qu'une science appartenant à la médecine soit aussi peu fiable.

La diététique sportive n'échappe malheureusement pas à cette règle: N'a t-on pas préconisé durant de longues années aux sportifs de grignoter du sucre avant une compétition. Il faudra attendre les années 80 pour qu'une étude démontre que du sucre absorbé dans l'heure qui précède un effort physique déclenche une hypoglycémie réactionnelle pendant l'exercice, due à une libération trop importante d'insuline. Depuis, plus aucun sportif n'ingurgite de sucre avant une compétition. Et bien, une étude récente remet entièrement en question cette théorie, démontrant que du sucre à absorption rapide dans l'heure qui précède une compétition n'engendrerait aucun phénomène d'hypoglycémie, mais au contraire favoriserait l'entrée du glucose dans les cellules, mettant le compétiteur à l'abri d'une éventuelle hypoglycémie lors d'un exercice prolongé. A faire pâlir de remords tous les marathoniens qui ont connu cet état de fait.

Comment de telles contradictions basées sur des études scientifiques ont-elles pu se produire?. Sont-elles dues à un manque de rigueur dans les expériences, ou le domaine est-il si complexe (mettant en cause des métabolismes différents),qu'il est si difficile d'en tirer des conclusions valables?.

Pour compliquer le tout, la course à pied est en plus le sport où la diététique revêt différents aspects souvent antagonistes:

  • Le poids du coureur à pied ayant une importance capitale, il faut, d'une part surveiller son alimentation comme un jockey, et d'autre part se nourrir suffisamment pour être capable de supporter des entraînements longs et intenses, très exigeants sur le plan calorique.

  • A cela s'ajoute un besoin en oligo-éléments plus important que dans les autres sports(carences fréquentes en magnésium et en fer dues aux pertes hydriques importantes et aux chocs répétés).

  • De plus la compétition, et surtout le marathon, exige une préparation diététique spécifique(visant à augmenter les réserves de glycogène musculaire et hépatique).

    De bonnes connaissances en diététique sont donc nécessaire au coureur pour composer ses menus en fonction de ces différents critères. Mais comment faire quand la science en question beguait, se contredit ou annonce des valeurs fausses?

    Il faut dans tous les cas rester prudent à la lecture de livres, revues ou articles traitant de la diététique, en éliminant déjà toutes les publications non scientifiques(méthodes pour maigrir et autres traités de nutrition contre le vieillissement promus par des médias ou écrits par des pseudo-nutritionistes).
    Il faudra ensuite se méfier:

  • Du produit miracle qui revient toutes les 3 pages et dont l'auteur est le seul à en parler(publicité déguisée).

  • Des livres basés sur des expériences personnelles(même si l'auteur est de bonne foi, une expérience personnelle n'a aucune signification en médecine, où les études doivent être menées sur un nombre important d'individus, en double aveugle avec administration de placebos.

  • Des articles fondés sur des études de nutrition générale et "adaptés" par extrapolation à la diététique sportive(ils ne font apparaître bien souvent qu'un certain angle du problème et ne considèrent pas le métabolisme sportif dans son ensemble et sa complexité, ce qui a pour effet d'occulter des "effets secondaires" possibles, néfastes à la pratique de la discipline sportive).

    La devise est donc de garder la tête froide, sans pour autant rester hermétique aux nouvelles découvertes en la matière.
    La diététique est une science relativement récente, de laquelle devraient émerger, après des erreurs de jeunesse regrettables, des règles, qui à terme ne seraient plus remises en cause...


             Claude Crestetto